LE MONDE 28.10.08 15h36 •
On y trouve des gants et des souliers fins venus de France, des jeans suédois, des colliers d'ambre russe, des cosmétiques japonais et des vêtements griffés de couturiers américains. Ce grand magasin du luxe se trouve dans les jardins du Palais-Royal, à Paris, devenu en quelques saisons le coin le plus branché de la capitale.
On y trouve des gants et des souliers fins venus de France, des jeans suédois, des colliers d'ambre russe, des cosmétiques japonais et des vêtements griffés de couturiers américains. Ce grand magasin du luxe se trouve dans les jardins du Palais-Royal, à Paris, devenu en quelques saisons le coin le plus branché de la capitale.
Tout commence en janvier 2006, quand Marc Jacobs, le bouillant directeur artistique de Louis Vuitton, choisit ce lieu improbable, entre soldats de plomb et galeries d'art, comme vitrine de sa propre marque. "Marc Jacobs venait chez moi, car il collectionne les pièces anciennes de haute couture, raconte Didier Ludot, l'un des plus anciens commerçants et célèbre expert de mode vintage, et c'est ainsi qu'il est tombé amoureux de l'endroit..."
GRAND RAOUT MONDAIN
Aussitôt, la fièvre va monter autour de ce jardin, où se sont promenés Louis XIV ou l'écrivain Colette. En juillet 2006, Rick Owens, autre couturier américain, y installe ce qui sera son seul magasin au monde jusqu'en juillet 2008, date à laquelle il inaugure à New York son second point de vente de la planète. Dans un décor de béton gris, avec projection au mur d'un film de Cecil B. DeMille, sont suspendus des vêtements uniformément anthracite, la couleur fétiche de Rick Owens (qu'il baptise "dust"). Au rez-de-jardin, on trouve les pièces emblématiques, tels le manteau de cuir avec ses manches élastiques qui s'enfilent comme des chaussettes (à partir de 1 500 euros) ou le tee-shirt débardeur en coton à 180 euros. Le premier étage est dédié à la fourrure, autre terrain d'excellence de cet ancien directeur artistique de Revillon.
A peine sorties de cette boutique un petit sac en vison en forme de lapin à la main, les élégantes du Palais-Royal peuvent tout aussi bien s'offrir un jean Acne (premier prix : 150 euros). La marque suédoise fait partie des derniers arrivés, au printemps. Elle se prépare déjà, en tant qu'unique boutique française de la marque, à un grand raout mondain : "Fin novembre, c'est ici que l'on pourra trouver la collection Lanvin pour Acne, dessinée par le couturier Alber Elbaz", précise le responsable du magasin, avec un large sourire.
Un marchand en appelant un autre, les arcades des galeries renaissent à la vie. Qui est arrivé le premier, du bijoutier chinois Qeelin, de l'Italien Pellini ou du Russe Annastassi ? Les ballerines en croco, galuchat ou iguane roses signées Delage rivalisent avec les escarpins fins de Pierre Hardy, également créateur de souliers pour Hermès. Les parfums Serge Lutens flirtent avec les effluves de Shiseido et à côté de Didier Ludot et ses petites robes noires, on trouve Gabrielle Geppert, autre spécialiste du vintage, plutôt versée Chanel que Dior.
A peine le gantier Fabre s'est-il installé, à l'été, que l'on apprend l'arrivée d'un rival, également fabricant de gants à Millau. "Des billets doux sont glissés sous les portes, la nuit, on vous demande votre dernière offre, et on vous assure de sa capacité à surenchérir", raconte Alain de Grolée-Virville, dans l'encadrement de sa boutique "Guillaumot, depuis 1761", graveur de Napoléon Ier et de l'Armorial des nouveaux anoblis... "Avant, le Palais-Royal n'était pas un endroit couru. Désormais, c'est comme si les gens sortaient du théâtre, du lundi au dimanche...", affirme notre homme, également expert à Drouot pour les manuscrits anciens.
Prochain motif pour les curieux et fous de mode de se presser au Palais-Royal ? Fin novembre, la créatrice britannique Stella McCartney, la fille de l'ex-Beatles, inaugurera sa première adresse en France : un espace de 400 mètres carrés, avec huit vitrines sur le jardin, en lieu et place de l'ex-prince jardinier. "L'avenue Montaigne est trop convenue, trop "bourgeoise", explique-t-elle. Ici, c'est central, c'est joli, et c'est une atmosphère si parisienne !"
Tout un petit monde à la Balzac achève de disparaître, et les commerçants ne se plaignent pas. "J'ai connu, il y a trente ans, ce bijoutier qui travaillait en vitrine, les éditions musicales Hegel et Mijanou Bardot, la soeur de Brigitte, qui vendait des coussins en forme de gros fruits... Mais le Palais-Royal, c'était mort...", assure Didier Ludot.
Défilé Dries Van Noten en septembre, exposition du sculpteur Xavier Mascaro et spectacle musical, le vendredi 24 octobre : le Palais-Royal ne désemplit plus. "A ce site est attachée une tradition libertine, car le domaine ne tombait pas sous le contrôle de la police", rappelle le conservateur du lieu et architecte des bâtiments de France, Frédéric Auclair. "Le Palais-Royal est synonyme de liberté de moeurs et aussi de liberté de ton, puisque Camille Desmoulins y harangua la foule avant la prise de la Bastille." En attendant, avec ses nouvelles boutiques de mode, le Palais-Royal est rendu aux coquettes.
Véronique Lorelle